8 novembre 2018 - me Thomas FILIOL DE RAIMOND

REMBOURSEMENT IMMEDIAT DES COMPTES COURANTS D'ASSOCIÉS : ATTENTION A LA FAUTE DE GESTION !

L’article L651-2 du Code de commerce prévoit qu’en cas de faute de gestion le tribunal pourra faire supporter le montant de l’insuffisance d’actifs aux dirigeants de droit ou de fait d’une société en liquidation.

Dans un arrêt récent du 24 mai 2018 n°17–10119, la Cour de cassation fait une application intéressante de cette règle en retenant la responsabilité d’un gérant pour avoir remboursé des comptes courants d’associés alors même qu’il connaissait le caractère inéluctable de l’état de cessation des paiements de la société.

Le principe général et communément admis du remboursement immédiat des comptes courants d’associés se voit dès lors sérieusement limité par le risque de faute de gestion imputable au dirigeant au sens de l’article L651–2 du Code de commerce.

En l’espèce, le dirigeant d’une société avait procédé au remboursement de deux comptes courants d’associés, dont le sien, privant la société de la trésorerie suffisante pour poursuivre une instance judiciaire en cours et plaçant de facto cette dernière en état de cessation des paiements.

La Cour de cassation sanctionne le remboursement des comptes courants d’associés en le qualifiant de paiement préférentiel au détriment des autres créanciers et condamne le gérant à combler le passif de la société.

Par cette décision, elle neutralise donc très opportunément le principe du remboursement immédiat des comptes courants d’associés, en l’absence de toute limitation conventionnelle ou légale, dès lors qu’un tel remboursement peut être assimilé à une faute de gestion.

Certains y verraient une entorse à la liberté contractuelle mais ce sont bien les circonstances particulières de l’espèce, et notamment la connaissance qu’avait le gérant de la situation irrémédiablement compromise de la société, qui justifient la décision de la juridiction suprême.

Il est pour autant incontestable qu’une telle décision place les dirigeants sociaux dans une situation extrêmement délicate, ces derniers devant faire preuve de la plus grande prudence quant aux arbitrages à réaliser.

Source :

Article L650-1 du Code de commerce

Arrêt Cass. Com. n°17-10.119 du 24 mai 2018