9 mai 2018 - Me Thomas FILIOL DE RAIMOND
Obtention d’informations confidentielles – Autorisation du juge – Article 145 du CPCObtenir des informations confidentielles et secrètes de manière légale, c’est possible.
Une entreprise qui soupçonnait une autre de détourner son chiffre d’affaires après le débauchage d’un salarié a pu obtenir copie de la liste des clients de son concurrent avec les prix pratiqués. Cette liste a bien entendu été utilisée à des fins juridiques, pour une action en concurrence déloyale, mais également pour un démarchage commercial !
Comment est-ce possible ?
Le principe défini par l’article 145 du Code de procédure civile.
Aux termes de l’article 145 du Code de Procédure Civile, « s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ».
Il faut donc prouver le motif légitime d’intenter une éventuelle action et choisir entre deux procédures le référé et la requête.
La décision prise par le magistrat est ensuite transmise à un huissier qui l’exécute avec au besoin l’assistance d’un spécialiste comme un expert informatique
Le référé est une procédure d’urgence au cours de laquelle les deux parties sont entendues.
La requête est une procédure unilatérale au cours de laquelle seule la partie qui demande la mesure d’instruction est entendue. Il est donc possible de bénéficier d’un effet de surprise considérable et d’éviter des destructions de preuve. C’est la voie la plus souvent utilisée.
Est-il possible de faire appel de la décision rendue par le magistrat ?
Appel n’est pas le terme qui convient.
La personne qui est victime d’un article 145 abusif si la décision qui a été rendue l’a été sur requête peut saisir le magistrat qui l’a rendue et demander son annulation. C’est ce que l’on appelle le référé rétractation.
Avez-vous des exemples de recours à cette procédure 145 ?
Je me souviens d’une entreprise qui soupçonnait un de ses salariés de créer une société concurrente pendant la période de son préavis et de commencer à détourner sa clientèle.
Il a été possible d’obtenir une copie de sa comptabilité ce qui a permis de voir qu’il avait émis des factures bien avant de donner sa démission.
Dans d’autres affaires, toujours avec une autorisation du juge, j’ai eu la faculté de demander à des opérateurs téléphoniques si une communication avait été passée entre deux personnes et pour quelle durée.
J’ai pu matérialiser la présence d’une personne a un endroit où elle n’aurait pas du se trouver.
Souvent les clients connaissent l’information, mais ils ne peuvent reconnaître la manière dont ils l’ont obtenue.
Ils engagent alors une procédure 145 qui leur permet de découvrir officiellement ce qu’ils connaissent de manière occulte.
La jurisprudence fourmille aussi d’exemples :
Justifie d’un intérêt légitime « la personne qui, candidate à l’obtention d’un local commercial, demande que l’association qui avait un droit de présentation des candidatures et qui a refusé la sienne en priorité, communique à un huissier commis par la juridiction tous les documents et éléments afférents à l’appréciation de candidatures, étant précisé que toutefois que tous les documents et informations ainsi recueillis ne peuvent être utilisés que pour la défense de ses droits dans le cadre d’une action en justice, à l’exclusion de toute divulgation » (CA Versailles, 7 septembre 1988 : Gaz. Pal. 1988, 2, somm. P. 449).
En sens contraire, « n’a fait qu’user des pouvoirs qu’elle détient de l’article 145 du NCPC la cour d’appel qui, statuant en référé, rejette une demande d’expertise portant sur la marchandise livrée en exécution d’une vente, au motif que les défauts de cette marchandise n’autoriseraient pas l’acquéreur à refuser le paiement de la créance contestée par lui » (Cass. Com. 17 mars 1987 : Bull. civ. IV, n° 73 ; JCP G 1987, IV, p. 183).
Tout semble trop facile. Il y a certainement des limites à cette procédure.
Les magistrats depuis quelques années, lors de la prise de leur décision veillent particulièrement à la protection de la vie privée et au respect du secret des affaires.
On ne peut qu’approuver cette évolution.
J’ai néanmoins obtenu au printemps 2005, l’autorisation d’ouvrir un coffre situé chez un salarié soupçonné par son employeur de recevoir des prébendes de la part des fournisseurs de son entreprise.
Il a fallu pour cela montrer que le salarié travaillait depuis son domicile et avait passé des marchés dans des conditions désavantageuses pour son entreprise.
L’ouverture du coffre a permis de constater la présence d’une importante somme d’argent en liquide.
Une plainte a été déposée devant le doyen des juges d’instruction.
Quel est le coût d’une telle procédure ?
Il est assez facile de connaître le coût d’intervention d’un avocat ou d’un huissier. Les magistrats précisent même dans leur décision le montant de la provision versée à l’huissier.
En revanche, la plus grande incertitude règne sur le coût des intervenants extérieurs et même sur leur qualité.
RIE comment sont choisis ces intervenants extérieurs.
Le choix est uniquement fait par l’huissier qui peut désigner aussi bien une personne très compétente qu’un parfait ignorant !
Il y a quelques mois j’avais obtenu la copie d’une disque dur et l’huissier devait relever les email figurant sur ce disque.
Pas satisfait du rapport qui ne faisait apparaître que quelques E mail, j’ai demandé à l’expert d’analyser complètement le disque dur pour savoir s’il ne comportait pas d’élément effacé.
L’expert m’a alors appelé pour me dire qu’il avait oublié de faire figurer dans son rapport plusieurs milliers de mails.
Est il possible de remédier à ce choix de mauvais experts ?
Je me demande s’il n’y a pas là une opportunité à saisir pour les praticiens de l’IE pour se faire reconnaître comme spécialiste de la recherche d’informations et se faire désigner par les magistrats qui définiraient les limites à ne pas dépasser dans le cadre d’une mission précise.
Il n’y a aucun changement législatif à faire. Il faut simplement intenter une action auprès de la chancellerie.
Un préalable est cependant requis c’est le contrôle de ces experts qui seraient désignés par les huissiers.
Ces experts pourraient être soient des agences d’investigation relevant de la loi de mars de 2003, soit des membres de la fédération des professionnels de l’IE, s’ils ne relèvent pas de ladite loi.
Source :
Article 145 du Code de procédure civile